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Pourquoi il ne faut pas renoncer à la COP28.


Par Alice Plane, experte climat, membre et ancienne speaker BoostHER


La COP28 ou « vingt huitième réunion des tats-membres de la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique » se tient à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. Plusieurs voix se sont élevées en France pour boycotter cette réunion internationale, « parce que ça sert à rien », « parce que des milliers de participants qui viennent en avion, ça contribue à émettre des gaz à effet de serre », « parce que c’est une farce, cette COP dans un pays pétrolier ». Certains aussi pensent que « se battre pour le climat, c’est se battre contre les pauvres ».

  1. Non, ça ne sert pas à rien : les COP climat sont le seul et unique endroit où tous les pays du monde se réunissent, une fois par an, pour faire le point de leurs efforts respectifs et collectifs pour limiter le réchauffement climatique, et s’adapter à ses effets déjà ressentis. C’est aussi le seul forum où chaque pays a une voix, ni plus, ni moins ; où chaque pays doit être entendu car les décisions sont prises au consensus : si un seul Etat s’oppose, aucune décision n’est prise. Cela sert les plus puissants, bien sûr, mais aussi les plus vulnérables.

  2. Et bien sûr, prendre l’avion émet des gaz à effet de serre, mais si on faisait les COP en visio- conférence, les pays ne disposant pas d’un bon accès internet ne pourraient pas participer au même niveau (on l’a vu pendant le COVID). Et parmi les participants qui ne représentent pas des États, les lobbyistes sont certes nombreux, ils ont accès aux gouvernements de toute façon. Ce sont les activistes et observateurs les plus vulnérables (les peuples autochtones, les jeunes, les femmes, etc.) qui n’ont pas cet accès le reste du temps qui en pâtiraient le plus.

  3. Et non, ce n’est pas une farce de faire une COP climat dans un pays pétrolier : c’est la règle dans les Nations Unies, chaque année un groupe géographique différent accueille la COP. Cette année, c’était le groupe « Asie-Pacifique » et c’était au tour des « pays Arabes », qui se sont mis d’accord entre eux (par consensus) pour désigner les Émirats Arabes Unis, puis leur choix a été entériné par l’assemblée des États-membres. Un tel choix peut sembler vain, mais le changement climatique est un phénomène global, et on ne réussira pas sans les pays pétroliers. Par ailleurs, si ce sont bien eux qui produisent du pétrole, c’est à nous qu’ils le vendent. Note : L’an prochain, ce seront les États du groupe « Europe orientale » qui devront accueillir la COP : la Bulgarie s’est proposée mais la Russie bloque le choix. L’année suivante (en 2025, COP30), le Brésil a déjà été désigné par le groupe « Amérique latine et Caraïbes».

  4. « Fin du monde, fin du mois, même combat ». Durant les manifestations des gilets jaunes, qui ont démarré à la suite de l’annonce d’une montée des prix de l’énergie en France (taxe carbone), certains commentateurs ont affirmé que les politiques «climatiques » étaient autoritaires, et anti- pauvres. L’enjeu est bien de mettre en place des politiques climatiques redistributives afin de ne pas pénaliser plus ceux qui sont déjà particulièrement vulnérables. Le changement climatique va aggraver les inégalités. Ceux qui en sont le moins responsables en souffrent déjà le plus – dans le monde comme en France. Il est temps de changer cela.



Quels sont les attendus de la COP28 ? Dans le cadre des négociations entre États, cette COP28 sera celle du Bilan Mondial, un état des lieux de nos efforts collectifs pour continuer de vivre dans une planète habitable pour toutes et tous. Tous nos pays doivent se mettre d’accord sur une « décision », c’est-à-dire un texte de consensus intégrant ce que nous souhaitons collectivement faire. Les principaux éléments sont :

a. La réduction des gaz à effet de serre au plus vite (ou « atténuation ») : le président de la COP28, Dr Sultan al Jaber, a mis l’accent sur l’importance de maintenir en vue la possibilité de rester sous 1.5 degrés Celsius de réchauffement climatique mondial. Les gaz à effet de serre restent des décennies, voire des siècles dans l’atmosphère. Plus on en émet, plus il y en a, et plus l’effet de serre augmente la température mondiale (déjà à +1.1 degrés Celsius). Les émissions mondiales sont principalement causées par la combustion d’énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz). Parce que Sultan al Jaber, le président de la COP28, est aussi à la tête de la compagnie pétrolière nationale Emiratie, il est idéalement positionné pour parler aux grands producteurs d’énergie, qui le respectent.

Les résultats auxquels s’atteler : 1. un appel à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles d’ici 2050, ou a minima à en réduire drastiquement les émissions nettes (en anglais « unabated emissions »). 2. Un engagement à doubler l’efficacité énergétique de nos activités (bâtiments, etc), et à tripler les capacités de production d’électricité (et leur stockage) avec des énergies renouvelables (soleil, vent, eau, géothermie) ou décarbonées (fission nucléaire, peut-être un jour la fusion) afin de représenter 90% des capacités nouvelles d’ici 2030. 3. Des engagements à former et accompagner les travailleurs afin qu’ils puissent retrouver un emploi juste dans les secteurs de la transition énergétique.

b. L’adaptation aux effets néfastes du changement climatique dès aujourd’hui (ou « adaptation) : cette COP28 doit décider d’un objectif global pour l’adaptation. Le problème, c’est que l’adaptation c’est une question locale qui dépend du contexte de chacun. Il n’y a pas une solution applicable partout pareil ! Comment faire face aux vagues de chaleur en ville, par exemple, dans une zone très urbanisée avec du ciment partout, ou bien dans une zone arborisée, où il y a de l’ombre, un accès public à de l’eau, des lieux publics climatises accessibles à toutes et tous ? En milieu rural agricole, comment mieux anticiper un gel tardif, ou une sècheresse grâce à des alertes météorologiques ? Ce sont des questions d’adaptation.

La COP28 pourrait se mettre d’accord sur un objectif commun de résilience face à ces effets néfastes : 1. Viser la résilience climatique (bien-être, accès à l’eau, la nourriture, la santé, les infrastructures et surtout les écosystèmes) pour la moitié de la population mondiale en 2030 et la totalité en 2050, en priorité les plus vulnérables. 2. Des plans nationaux d’adaptation devront être adoptés dans tous les pays afin de s’y préparer.

c. Le financement de la transition (ou « moyens de mise en œuvre ») : pour parvenir à atténuer et s’adapter au changement climatique, il faudra changer radicalement la manière dont l’argent est distribué dans nos sociétés. François Hollande avait proclamé « mon ennemi, c’est la finance ». L’enjeu n’est pas binaire : « pour » ou « contre ». L’enjeu, c’est de faire évoluer le système financier mondial pour arrêter de valoriser des activités mortifères (armement, combustion d’énergies fossiles) et revaloriser les activités vitales (soin des autres humains et de la nature). L’enjeu, c’est aussi de penser une redistribution au sein de chaque pays, mais aussi par les pays entre eux. Enfin,

l’enjeu sera de démontrer que cet effort mondial est possible, que l’on peut encore croire aujourd’hui que participer au système « paie » plus que de chercher à le détruire.

La COP28 pourra se mettre d’accord : 1. Instaurer des mécanismes de réorientation des flux financiers vers des activités économiques moins émettrices en gaz à effet de serre (la manière de faire revient à chaque Etat – on peut penser à mettre un prix sur le « carbone » émis, dont le montant serait redistribué aux personnes les plus vulnérables. 2. En particulier, on se doit d’exiger la fin des subventions aux énergies fossiles, plus de 1300 milliards de dollars par an au sein du G20 alors que les pays développés peinent à atteindre leur engagement de 100 milliards de prêt ou don vis-à-vis des pays en développement ! – à condition de mettre en place en parallèle des mécanismes d’accompagnement des professions qui seraient touchées, comme en France les agriculteurs, les pêcheurs et les taxis). 3. Réduire le coût de la dette des pays lorsqu’ils font face à une catastrophe naturelle majeure, et en général pour financer la transition écologique parmi les pays les plus vulnérables. 4. Réclamer que les pays développés ET les grands émergents puissent soutenir les pays les plus vulnérables dans leurs efforts. 4. Il faudra, pour marquer une volonté réelle de soutien, que les principales économies mondiales (y compris la France) contribuent aux divers fonds climatiques : le Fonds Vert pour le Climat (10 milliards), le Fonds d’Adaptation (200 millions), le tout nouveau fonds pour les Pertes et Dommages, dédiés aux pays insulaires et pays les moins avancés (pas encore de montant). Dans deux ans, en 2025, l’ensemble des pays devront présenter leurs nouveaux plans climatiques. Il faut donc aussi que cette décision de la COP28 les engage à traduire ces engagements mondiaux directement dans leurs plans nationaux, et qu’ils couvrent la totalité des secteurs économiques.

Dans un contexte mondial délétère, les COP climat rappellent la possibilité d’une coopération internationale au service des plus vulnérables.

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